Être en insécurité alimentaire c'est réagir de différentes manières pour atténuer ou retarder l'aggravation du manque d'aliments et les sentiments pénibles qui l'accompagnent. C'est aussi vivre beaucoup de souffrance. Diverses dimensions de la vie quotidienne sont affectées et peuvent avoir des conséquences sérieuses pour l'individu ou la famille : 

Perturbations sociofamiliales (réactions au sein de la famille ou de l'entourage)

L'insécurité alimentaire contraint les ménages à développer toutes sortes de stratégies distordues pour se procurer des aliments ou pour les économiser

Pour se procurer des alimentsPour économiser ses aliments
  • Recourir à l’aide alimentaire; 
  • Ne pas payer ses factures ;
  • Emprunter de l’argent pour acheter de la nourriture ;
  • Payer avec une carte de crédit tout en sachant qu’on ne pourra pas rembourser le solde (auquel vont s’ajouter des intérêts); 
  • Acheter « uniquement » des aliments en spécial ;
  • Mendier des aliments ou des restes ;
  • Demander des paniers de Noël à des organismes de charité ;
  • S’inviter chez des amis ; 
  • Demander l’aumône au curé de la paroisse ;
  • Vendre des biens personnels ;
  • Faire affaire avec un prêteur sur gage ou un usurier ;
  • Voler ;
  • Braconner ;
  • Etc.
  • Se priver comme parents pour nourrir ses enfants ;
  •  Réduire les portions ;
  • Étirer les recettes (ex. mettre plus d’eau dans une soupe) ;
  • Cacher les aliments ;
  •  Sauter des repas ;
  • Etc.

 

L'insécurité alimentaire force à modifier les habitudes alimentaires et les rituels familiaux et sociaux en rapport avec l'alimentation.

Habitude alimentairesRituels familiaux et sociaux
  • Éliminer certains aliments habituellement présents (ex. légumes frais, poissons, desserts) ;
  •  Etc.
  • Ne plus manger en famille (ex. les repas ne sont plus des moments de détente et d’échange entre les parents et les enfants) ;
  • Éviter de célébrer certaines fêtes (ex. Noël, Pâques) ou les anniversaires par un repas familial ou entre amie (ex. ne pas pouvoir organiser une fête d’enfants) ;
  • Ne plus inviter d’amis aux repas ou même à prendre un café à la maison ;
  • Donner toujours des excuses pour ne plus accompagner quelqu’un au restaurant ;
  • Etc.

 

L'insécurité alimentaire peut perturber la dynamique familiale.

Relation parents-enfant compromise

  • Ne pas manger à sa faim ou se préoccuper constamment de ce qu’il y aura comme aliments au prochain repas, ou même s’il y en aura, peut rendre les parents irritables, impatients et moins attentifs aux besoins de leurs enfants ;
  • Le temps investi par les parents pour se procurer suffisamment d’aliments peut diminuer leur disponibilité envers les enfants, comme lorsqu’il leur faut participer à la fois à un groupe d’achats, à un jardin communautaire et à des activités de cuisine collective, en plus des déplacements à l’épicerie, pour avoir assez d’aliments 
  • Etc.

Faim et souffrance physique

En situation d'insécurité alimentaire on peut avoir faim. On peut perdre l'appétit. On peut vivre des épisodes de fatigue ou de maladies.

Souffrance psychologique

L'insécurité alimentaire peut entraîner une série de réaction néfastes sur le plan de la santé mentale. 

On peut être amené, bien malgré soi, à enfreindre ses propres normes et valeurs. On peut éprouver le sentiment de perdre toute dignité (estime de soi). On peut vivre de la détresse.

Témoignages

Ne pas payer ses factures

« Le compte de téléphone est passé de 20$ à 30$ ce mois-ci. C'est soit on paye seulement 15$ ou 20$, soit on le fait débrancher. On a pas d'autre choix ; on doit déjà plus de 100$ sur le compte d'électricité. Y'faut ben en garder pour manger. »

Prêteur sur gage

« J'avais un besoin urgent d'argent pour acheter de la nourriture, alors j'ai mis ma machine à coudre en gage. Y'a fallu que j'emprunte pour la ravoir, j'ai eu peur de la perdre parce que c'est une source de revenu pour moi. »

Voler

« Mon fils de 17 ans s'est fait prendre à voler d'la nourriture à l'épicerie, j'étais fâchée mais pas surprise. »

Cacher des aliments

« Avec 2 ados dans maison, j'chu ben obligée de mettre un cadenas su'l'frigidaire si j'veux qu'on se rende jusqu'à prochaine paye. » 

Ne plus inviter d'amis

« J'aimerais inviter des amis à souper, mais c'est pas possible, j'peux quand même pas leur servir ce que j'ai gardé pour le lendemain ! »

Ne plus manger en famille

« Ça fait longtemps qu'on a pas eu un bon repas, bien présenté et partagé calmement, t'sé un repas où tout le monde mangent et jasent en ayant du plaisir. À la place, c'est tendu et tout le monde est insatisfait à propos de la nourriture pis d'tout le reste. » 

Relation parent-enfant compromise

« Quand j'ai pas assez mangé, j'deviens agressive (ou brusque, en colère) avec mes enfants. »

« Je les sers silencieusement, pis j'me retire au salon (parce que trop difficile de faire face à son incapacité à nourrir ses enfants adéquatement). » 

Ressentir des crampes d'estomac

« Des crampes d'estomac, ça fait mal! J'souhaite à personne de vivre ça. »

« Souvent, j'ai mal à l'estomac quand j'vais m'coucher, mais j'endure parce que j'veux que ma fille grandisse normalement. »

Avec le temps, la sensation de faim s'estompe pour se transformer en perte d'appétit

« Quand j'mange, j'me sens pas bien. »

« Manger? Ça pus d'importance pour moi, j'sais même pus c'que c'est la faim. oh je sens que j'ai l'estomac vide, mais j'ai pas faim ; j'ai pus d'appétit. »

« C'est automatique, la dernière semaine de chaque mois, je perds l'appétit; c'est vrai, c'est même pas une question d'me priver pour mes enfants, je perds réellement l'appétit à chaque fois. »

Éprouver de la difficulté à se concentrer au travail, à la maison, à l'école

« C'est difficile de se concentrer quand t'as faim. »

« J'ai pas d'force pour fonctionner normalement et prendre de bonnes décisions au travail. »

Subir une perte d'énergie, de capacité

« Quand j'ai trop faim, j'arrête de travailler pis j'vais m'coucher. »

« J'ai pas assez d'énergie pour aller travailler. »

« Quand la faim devient trop forte et que j'sais que j'en ai encore pour quelques jours avant de pouvoir me procurer d'autres aliments, j'me couche toute la journée et j'dors pour dépenser le moins d'énergie possible. »

Mettre sa santé en péril lorsqu'on se prive de nourriture sur une longue période

« L'anxiété me donne des ulcères d'estomac. »

« Quand j'mange pas assez, j'me sens faible pis j'ai mal à la tête. »

« Quand j'me prive pour nourrir mes enfants, c'est ma santé contre leur santé. » 

Ne trouver que des solutions plus ou moins acceptables sur le plan personnel pour obtenir des aliments (sentiment de contrainte)

« J'essaie de trouver toutes sortes de solutions à notre manque d'aliments le plus rapidement possible, des solutions qui sont pas toujours en accord avec mes valeurs. " 

Être obligé de demander de l'aide auprès des membres de sa famille ou de son entourage ou bien de cogner à la porte des organismes d'aide alimentaire

« Avoir faim c'est plus qu'une souffrance physique, ça te heurte en dedans, au plus profond de toi. »

« Après quelques jours sans presque plus de nourriture, j'ai prié Dieu pour qu'il me donne le courage et l'humilité d'aller à une banque alimentaire. »

« Ils te posent tellement de questions [au dépannage alimentaire], c'est tellement gênant, tu t'sens comme un moins que rien, tu t'sens comme si t'étais pas capable de t'organiser. Tu vas là en dernier ressort. » 

Ne plus ressentir d'intérêt envers la nourriture

« Des fois, j'me sens mal juste d'aller faire l'épicerie. »

« J'ai plus l'goût de cuisiner, des fois j'ai mal au coeur juste d'y penser. »

Être effrayé à l'idée de perdre la garde de ses enfants

« J'veux surtout pas que quelqu'un aille dire que mes enfants sont négligés. »

« Je panique à l'idée qu'on pourrait m'enlever mon fils. »

« J'le sais qu'à l'école, y trouve que mes enfants ont pas des bons lunchs, mais des fois j'peux pas faire mieux. J'ai toujours peur qu'y appelle la «DPJ». »