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Bien que l’insécurité alimentaire touche plus spécifiquement les individus et les ménages en situation de pauvreté, elle a malgré tout des répercussions sociales, économiques et politiques indirectes sur l’ensemble de la société.

Atteindre une sécurité alimentaire pour tous, c’est non seulement améliorer le sort des citoyens les plus défavorisés, mais aussi progresser vers un mieux-être collectif.

Les répercussions de l’insécurité alimentaire, ou de la pauvreté, sur l’ensemble de la société…

Accroissement des coûts dans le réseau de la santé

  • Les nouveau-nés qui ont un faible poids à la naissance ou qui présentent un retard de croissance risquent de connaître des taux de morbidité et de mortalité supérieurs à la moyenne pendant la petite enfance et l’enfance, et d’être moins productifs que la moyenne à l’âge adulte. Plus souvent malades, ils risquent davantage d’être hospitalisés.
  • Les données de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, 198-2002, montrent que :
    • Les enfants de 4 ans qui vivent dans un ménage où une situation d’insécurité alimentaire a été rapportée sont significativement plus nombreux à présenter un surplus de poids (21 %, contre 13 % pour les autres enfants). L’obésité engendre des coûts de santé plus élevés;
    • Les enfants pauvres dont 25 % d’entre eux sont pauvres depuis la naissance présentent 41 % plus de risques d’hospitalisation;
    • Comparativement aux enfants issus d’un milieu favorisé, un bambin qui vit depuis sa naissance au sein d’une famille située au bas de l’échelle sociale accroît d’environ 112 % son risque d’avoir des caries.

Les sacs de nourriture que certaines familles en situation d’insécurité alimentaire peuvent recevoir des différentes ressources de distribution d’aliments contiennent bien souvent des aliments peu nutritifs : trop de gras, trop de sucre, etc.

  • L’Enquête québécoise sur la nutrition de 1990 a révélé que les apports en vitamine C et en calcium étaient significativement plus faibles chez les adultes à faible revenu. Des carences en nutriments essentiels au bon fonctionnement de l’organisme nuisent bien entendu à l’état nutritionnel, mais peuvent également entraîner des problèmes d’ordre physiologique et mental et, par conséquent, contribuer à alourdir les coûts de réseau de la santé.
  • L’Enquête nationale sur la santé de la population de 1998-1999 a montré que 15 % des membres des ménages en situation d’insécurité alimentaire étaient obèses, comparativement à 12 % de ceux qui n’étaient pas touchés par l’insécurité alimentaire.

Ce problème majeur de santé publique a déjà des incidences importantes sur les coûts du réseau de la santé.

Des études ont montré qu’une personne contrainte dans ses choix alimentaires en raison d’un budget limité pour l’alimentation oriente ses choix vers une alimentation de forte densité énergétique (très calorique), souvent pauvre en nutriments essentiels.

Ce comportement n’est pas étonnant sachant qu’une telle alimentation procure une quantité d’énergie plus importante pour un coût moindre. Autrement dit, lorsqu’on ne peut acheter qu’une quantité limitée d’aliments, la sensation de satiété sera atteinte plus rapidement et elle durera plus longtemps si on mange un aliment riche en gras (ex. frites) que si on mange une pomme par exemple (riche en eau et en vitamines, mais peu calorique).

  • Avant même que la nourriture vienne à manquer, l’insécurité alimentaire a des répercussions sur la santé mentale. L’inquiétude et les efforts déployés pour se procurer de la nourriture engendrent un stress parfois considérable. Une vigilance constante est nécessaire, aucun petit plaisir n’est possible sans culpabilité, et les loisirs sont restreints. 
  • Le risque d’éprouver un sentiment de détresse ou de traverser un épisode dépressif majeur est trois fois plus élevé chez les personnes en situation d’insécurité alimentaire que chez celles qui vivent en sécurité alimentaire.
  • Faute de moyens financiers suffisants, certaines personnes peuvent être placées devant le dilemme d’acheter des aliments ou leurs médicaments. Si elles optent pour les aliments, elles risquent de voir leurs problèmes de santé s’aggraver et d’avoir recours plus souvent aux services de santé. En revanche, si elles choisissent les médicaments, d’autres problèmes de santé risquent de s’ajouter aux premiers.

 

Régime public d’assurance médicament du Québec :

  • Adultes de 18 à 64 ans non admissibles à un régime privé

    Franchise : 12,10 $ par mois

    Coassurance : 29 % du coût des médicaments

    Contribution maximale : 

Un adulte de 18 à 64 ans doit payer 73,42 $ par mois pour ses médicaments avant que le coût de ceux-ci soit complètement assumé par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Quant au montant de la prime annuelle, il varie de 0 $ à 538 $ par adulte selon le revenu familial net. La prime est perçue chaque année par le ministère du Revenu du Québec au moment de la production de la déclaration de revenus (rapport d’impôts).

Un adulte qui travaille au salaire minimum, soit 8,00 $ de l’heure, à raison de 25 heures par semaine (moyenne d’heures travaillées par les personnes au salaire minimum, en 2005) gagne un salaire brut de 10 400 $.

Il gagne donc 866 $ par mois (avant toute déduction) si :

  • Le logement* coûte 450 $ par mois
  • Le téléphone coûte 30 $ pa mois
  • L'électricité coûte 30 $ par mois
  • Le chauffage coûte  35 $ par mois
  • Le transport (carte d'autobus) coûte 65 $ par mois
  • La nourriture** coûte 120 $ mois (ou 30 $ par semaine)
  • Les médicaments coûtent 73,42 $ par mois
  • TOTAL (pas de vêtement, ni loisir, ni imprévu) : 803,41 $ par mois

* Dans son Rapport sur le marché locatif publié en 2006, la Société canadienne d’hypothèque et de logement a estimé que dans la région de Québec le loyer moyen si situait à 452 $ pour un studio et à 558 $ pour un logement avec une chambre. Ces montants peuvent toutefois inclure le chauffage ou l’électricité.

** Dans son « Panier à provisions nutritif » (PPN), qui établit une liste des aliments pouvant satisfaire à bon compte les besoins nutritionnels des individus, le Dispensaire diététique de Montréal estime le coût minimal moyen d’une alimentation adéquate pour une personne seule à 6,11  $ par jour, soit 42,77 $ par semaine. Le PPN ne comprend pas d’aliments précuisinés ou prêts-à-manger; les coûts sont donc établis en fonction d’aliments qu’il faut cuisiner soi-même, avec très peu d’écart dans l’utilisation des ingrédients. Ainsi, avec 30 $ d’épicerie par semaine, on peut présumer que la qualité de l’alimentation de cette personne est compromise.

Incidence sur les coûts en éducation

  • Des enfants qui arrivent à l’école le ventre vide apprennent moins bien et sont plus perturbés. Ils accumulent ainsi des retards qui les conduisent souvent à connaître une série d’échecs au cours de leurs études. Des parents mal nourris, fatigués et tendus, peuvent manquer d’énergie pour assurer un accompagnement adéquat.

    En plus des conséquences désastreuses pour l’enfant lui-même, c’est toute la société qui en assume les coûts, car le personnel enseignant et non enseignant doit prendre plus de temps pour accompagner ces enfants et tenter de contrer le décrochage scolaire qui est toujours un risque chez eux. Le budget dévolu à l’éducation en est probablement affecté.

    C’est sans compter les coûts sociaux et économiques du risque plus élevé d’analphabétisme chez certains enfants.

Selon l’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA, 2003), près de 800 000 Québécois âgés de 16 à 65 ans, soit 1 sur 6, se situent au plus bas niveau de l’échelle des capacités de lecture. Dans la tranche des 16 à 25 ans, près de 350 000 d’entre eux (36 %) se classent aux deux niveaux de compétence les plus bas. Les personnes qui se situent aux niveaux inférieurs dans la capacité de lecture affichent également des taux inférieurs d’emploi et des revenus moins élevés. L’augmentation des gains en emploi, lorsqu’on favorise le développement de ces capacités, est particulièrement à l’avantage des femmes.

Impact économique

  • Des adultes en mauvaise santé ou avec le ventre vide ne peuvent pas s’intégrer efficacement au marché du travail : les conséquences peuvent en être une recherche d’emploi plus ardue, une performance moindre au travail, un absentéisme plus élevé, etc.

    Les échecs trop fréquents entraînent bien souvent un retrait pur et simple de la vie active, pouvant aller jusqu’à l’exclusion sociale, ce qui implique l’établissement de programmes sociaux de plus en plus coûteux pour soutenir ces personnes et leur venir en aide. Ces coûts sont assumés par toute la société.
  • Sur le plan national, l’insécurité alimentaire, qui affecte donc les chances de se développer de façon optimale et de bien performer et qui accroît les inégalités de santé, peut entraîner une diminution de la capacité créatrice et productive d’un segment de la population. Cette perte de potentiel peut avoir comme conséquence de limiter la performance économique du pays : manque de revenus pour l’État (en taxes et en impôts) et gaspillage de compétences humaines qui, autrement, pourraient servir à toute la collectivité.

Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Au Canada, en 1998-1999, on a estimé que 11 % des enfants entre 0 et 17 ans souffraient d’un rapport alimentaire déficient. Ces enfants d’hier forment aujourd’hui, ou formeront dans un proche avenir une jeune population active dont la santé et les capacités à fonctionner à leur plein potentiel peuvent avoir été affectées de façon irréversible.

  • Les moyens hors normes ou illégaux que les individus peuvent être amenés à prendre pour se procurer des aliments ont des conséquences économiques pour la société. On peut penser aux pertes de revenus des chaînes d’alimentation à cause du vol, ou encore à celles de certaines entreprises parce que des personnes sont contraintes de choisir entre régler leurs factures (électricité, téléphone, etc.) et acheter de la nourriture. Ces frais cachés sont la plupart du temps refilés à l’ensemble des consommateurs. C’est sans compter, pour les entreprises de biens et services, la perte d’une partie non négligeable de consommateurs potentiels.

     

Impact politique

  • La pauvreté dans laquelle s’inscrit l’insécurité alimentaire augmente les tensions sociales. Ces dernières coûtent aux gouvernements la confiance et l’appui du public. Un pays qui jouit d’un degré élevé de cohésion sociale peut compter sur une existence relativement pacifiste et une stabilité politique dans lesquelles ses citoyens ont confiance et sont disposés à travailler ensemble pour le bien commun.